Agathe JAKOVLJEVIC

          D'aussi longtemps que je puisse me souvenir, je n'ai jamais su tenir un stylo sans avoir l'irrépressible envie dessiner avec. Ce simple objet devenais au moindre moment d'ennui la clé de mon imaginaire et le complice de mon évasion intellectuelle. Je ne gribouillais pas sur mes cours, je composait toujours sur une feuille à part une illustration que je pouvais travailler sur plusieurs jours. Dessiner me permettais de sortir de ma coquille, de m'exprimer et d'intéresser les autres, moi qui était si fragile et si timide.

 

       Et puis le plaisir devins passion. Passion que j'aimais exprimer a travers ma fascination pour les graphismes japonais que l'on retrouve dans les mangas. Cette culture de la bande dessinée nippone m'a inculquée les codes, l'anatomie et permise de prendre confiance en mon trait. Puis de nouvelles inspirations me sont venues. Après avoir exploré la surexpression dans les mangas, je me suis intéressée à ceux qui n'expriment pas, qui ne sourient pas, ne pleurent pas, et qui pourtant, d'un simple regard, provoquent une palette inconnue d'émotion en nous. L'art animalier est malheureusement snobé des artistes contemporains et boudé par le public. Pourtant, il existe une belle myriade d'artistes qui défendent encore cet art, qui mêle dans une fragile chimie émotion et exactitude du trait.

 

        Nous faisons partie de la génération qui verra s'éteindre les tigres de Sumatra, les panthères nébuleuses de Java et tant d'autres magnifiques espèces. Génération qui, en croisant le regard d'un fauve, est partagée entre admiration et culpabilité. C'est notre génération qui portera la responsabilité de ce processus destructeur, pour avoir été la dernière a ne pas l'arrêter. J'espère, au travers des regards d'aquarelles de mes fauves, aux plumes d'acryliques de mes rapaces, toucher, montrer a quel point la faune peut être belle, et qu'elle est un trésor ô combien plus précieux que tout l'argent du monde.